Les cancers ont une odeur !
Oui ! Ca peut paraître étrange, mais les cancers ont une odeur caractéristique. Cette dernière est liée à l'émission de composés volatils, produits par une dégradation spécifique des tissus en présence d'un cancer. Cette odeur peut être identifiée par des chiens renifleurs ayant subi un entraînement particulier.
Plusieurs expériences de chiens renifleurs ont permis d'identifier les personnes atteintes de cancer au niveau de la vessie, de la prostate, du poumon, de la thyroïde ou du sein. L'idée n'est pas nouvelle et la première publication qui en parle date de 1989. Des dermatologues ont relaté l'histoire d'une femme dont le chien avait flairé une lésion cutanée qui était en fait un mélanome [1].
Chiens renifleurs pour le dépistage du cancer
En 2004 et pour la première fois, une étude scientifique sur le dépistage des cancers de la vessie avait certifié que l'identification du cancer par le flair canin est une réalité [2]. En 2010, en utilisant les urines, une équipe de l'hôpital Tenon à Paris, a rapporté une sensibilité et une spécificité de 91 % pour l'identification du cancer de la prostate par un chien de l'armée française [3]. Récemment, en 2015, une autre étude sur les cancers de la thyroïde, plus difficile à dépister et à diagnostiquer que les cancers urologiques ou bronchiques, avait efficacement pu les identifier à partir d'un échantillon d'urine et à l'aide d'un chien spécialement entrainé [4].
Les animaux sont d’abord dressés directement à la tumeur. Dans une seconde étape, ils ont appris à renifler de simples compresses, placées par exemple toute une nuit sur des patientes atteintes par le cancer du sein. Le test a consisté à présenter aux animaux des compresses portées par des patientes. Au premier passage, le taux de détection était de 90 %, et au second passage, de 100 %. C'est absolument formidable de pouvoir dépister par exemple le cancer de la vessie ou de la prostate juste à partir des urines et à l'aide d'un chien dressé !
Il ne s'agit pas ici de remplacer une mammographie, une échographie ou une biopsie, mais d'utiliser ce concept dans les régions défavorisées, démunies de véritables structures de soins. La campagne de dépistage est réalisée uniquement avec une brigade canine ! L'autre avantage de taille, est l'identification des matières odorantes et volatiles, caractéristiques des cellules cancéreuses. Les biomarqueurs identifiés serviront à développer des appareils électroniques adéquats comme outil de diagnostic et de dépistage.
Les nez électroniques
Des chercheurs américains de l'IUPUI (Integrated Nanosystems development Institute, Indiana-Purdue University Indianapolis) ont conçu un appareil électronique expérimental capable de détecter le cancer de la prostate à l’odeur. Ce nez artificiel tente de réaliser ce que font les chiens renifleurs. Biens sûr, c'est plus couteux et souvent moins précis. Mais l'objectif est de mettre au point un test urinaire non-invasif qui vise à diminuer le nombre de biopsies inutiles, engendrant des complications pour des personnes saines. Les résultats obtenus sont prometteurs dans le cas du cancer de prostate. En avril 2017, leurs résultats ont été présentés au congrès annuel de l’American Chemical Society (ACS) à San Francisco (Etats-Unis) [5]. Les chercheurs ont pu identifier la molécule olfactive trahissant la présence du cancer de la prostate. Ils ont obtenu 86 % de sensibilité et 92 % de spécificité pour leur test.
À plus long terme, de simples bandelettes urinaires pourraient être mises au point pour le dépistage des cancers prostatique de manière non-invasive et diminuer le nombre de biopsies prostatiques inutiles. À noter que 60 % de personnes saines subissent inutilement une biopsie prostatique juste pour des taux élevés de l'Antigène Prostatique Spécifique, ou PSA (Prostate Specific Antigen en anglais)
Voici la vidéo de la conférence de presse à San Francisco, CA, en avril 2017 (in english).
Références
1- William H and Pembroke A., Snifer dogs in the melanoma clinic ? Volume 333, No. 8640, p734, 1 April 1989
2- Willis CM et al., Olfactory detection of human bladder cancer by dogs: proof of principle study, BMJ 2004, Vol 329, pp 712-717.
3- Cornu JN et al., Olfactory detection of prostate cancer by dogs sniffing urine: a step forward in early diagnosis, European urology, 2011, vol 59, issue 2, pp 197-201.
4- Hinson A, Ferrrando A, Dodenner D, Scent-trained canine prospectively detects thyroid cancer in human urine samples, présenté au congrès de l'Endocrine Society (ENDO 2015).
5- Siegel A. et al., Investigation of biomarkers to screen for prostate cancer in urine using gas chromatography/mass spectrometry, National Meeting and Exposition of the American Chemical Society, San Francisco 3/4/2017.